Amina Bello, visage clair, se réchauffe près d’un grand feu de bois. Dans ses bras, son petit garçon de deux ans qu’elle a accouché à la maison contre son gré. «Mon mari ne voulait pas entendre parler de l’hôpital, explique t-elle. Il disait que ses frères et lui sont nés à la maison et que cela n’a jamais posé de problème».
Même si elle avait été autorisée à se rendre à l’hôpital, Amina redoutait l’accueil du personnel médical. Elle n’a fait aucune visite prénatale. Assistée par une accoucheuse traditionnelle, la jeune femme a pris des décoctions jusqu’à l’accouchement.
Stéphanie Ganava a été moins chanceuse. Transportée d’urgence au centre de santé dès l’apparition des premières contractions, elle a attendu environ trente minutes avant d’être prise en charge. Le pire est arrivé. «L’infirmier chef n’était pas en place. Quand il est revenu, j’ai été admise en salle ; quelques minutes plus tard, il m’a appris que le bébé venait de mourir», raconte, tête baissée, cette mère de trois enfants.
Plus de 650 décès par an
Au Cameroun, donner la vie est encore un risque élevé. Le taux de mortalité maternelle est passé de 430 décès pour 100.000 naissances en 1994 à 600 décès en 2008 selon l’OMS. En 2012, le Ministère de la Santé publique a enregistré plus de 650 décès liés à l’accouchement. Préoccupé par ces chiffres alarmants, le Fonds des Nations Unies pour la Population(Unfpa) finance actuellement un projet pilote du gouvernement qui vise à réduire le taux de mortalité infantile et maternelle dans la région du Nord Cameroun.
Mis en œuvre par l’Ong «Adventist Development and Relief Agency » (Adra), ce projet intitulé M-Health (maternal health) concerne les localités de Bakona, Pamé et Gonougo dans le district de santé de Lagdo.«Nous mettons à la disposition des gouvernements des stratégies visant à assurer le bien être de la population. Ce projet pilote rentre dans ce cadre », indique un responsable local du Fonds des Nations Unies pour la Population.
Dans les trois aires de santé choisies, les femmes enceintes ne se bousculent pas pour la prise en charge de leur grossesse. D’après Abbé Essomba Robert Aimé, chef bureau santé au district de santé de Lagdo, elles font face à la pauvreté, la tradition, la culture et le manque d’éducation. Cependant, les mentalités commencent à évoluer. «En 2010, indique le médecin, nous avons enregistré 111 accouchements contre 198 en 2012. Ce n’est pas terrible parce que nous attendions environ 7000 femmes enceintes. Mais, il faut voir d’où nous partons».
Les initiateurs du projet M-Health ont identifié trois facteurs à l’origine du taux élevé de la mortalité infantile et maternelle dans cette localité rurale. «Lorsque la femme est enceinte, nous accusons le plus souvent trois grands retards : le retard sur la prise de décision, le retard sur les moyens de transport et le retard sur la prise en charge immédiate dès l’arrivée dans une formation sanitaire», explique Abbé Essomba Robert Aimé. Le projet aide les femmes à avoir accès aux soins obstétricaux d’urgence, aux soins anténataux, aux services de planning familial et à l’assistance médicale pendant l’accouchement.
2400 femmes enceintes attendues
Selon un récent rapport de la Banque Mondiale, 4 personnes sur 10 disposent d’un téléphone portable au Cameroun. M-Health s’appuie sur la percée de la téléphonie mobile dans le pays pour localiser les femmes enceintes dans le district de Lagdo. Mode d’emploi.
«Les coordonnées GPS d’une femme sont enregistrées dans un serveur contenant les coordonnées d’autres femmes enceintes. Dès que la femme bipe le numéro du serveur avec son téléphone portable, le serveur identifie le numéro, localise la femme et envoie un message de détresse à une formation sanitaire», explique Daniel Davoumta, responsable local d’Adra.
A l’aide d’une ambulance médicalisée, le personnel médical rue ensuite sur le site pour sauver la mère et son bébé.
Le projet cible près de 2400 femmes enceintes. Les agents communautaires ont remis des questionnaires aux femmes pendant la phase de collecte de données. Comme Amina, la plupart ont applaudi l’utilisation du téléphone mobile comme outil d’alerte pour apporter de l’assistance médicale aux femmes enceintes. Mais, ce n’est pas encore gagné.
«Une activité communautaire sans sensibilisation ne marche pas, reconnait un leader communautaire. Les gens pourraient dire qu’ils n’y ont pas trouvé un besoin juste parce qu’ils ne comprennent pas. C’est pourquoi nous mettons l’accent sur la sensibilisation et l’éducation en langues locales».
Ce n’est pas la première fois que l’Unfpa utilise la téléphonie mobile pour améliorer la santé maternelle en Afrique. En Tanzanie, plusieurs femmes vivant avec des fistules obstétriques, recevaient les frais de transport pour aller se soigner dans la capitale en envoyant simplement des SMS aux ambassadeurs de l’Unfpa.
Au Rwanda, les téléphones mobiles remis gratuitement aux personnels de santé communautaires par cette agence des Nations Unies, ont permis d’accélérer la prise en charge médicale des femmes enceintes vivant en zones rurales. M-Health est déjà perçu au Cameroun comme une révolution contre le taux élevé de mortalité infantile et maternelle.
Cet article a été premièrement publié sur info-afrique.com