Du 1er février au 30 septembre, cinq journalistes camerounais(Theodore Tchopa, Josiane Kouagheu, Cedric Kengne, Audrey Talom et Marie Louise Mamgue) ont effectué une enquête auprès de 125 centres de santé privés basés à Douala, sélectionnés au hasard. Rien n’était acquis au départ : aucun indice ne laissait percevoir que les reporters ouvraient ainsi, sans le savoir, une marmite bouillante, qui n’est autre que la gestion des déchets hospitaliers. Les constats faits à Douala, l’une des villes les plus peuplées du pays, avec un taux d’accroissement démographique d’environ 5,5%, constituent une monographie.
A travers cette peinture des faits, c’est tout le système sanitaire camerounais qui se révèle au grand jour dans le miroir. Un univers gangrené par la corruption, laquelle a ouvert le boulevard à l’anarchie, avec pour corollaire la violation flagrante des textes réglementaires nationaux et internationaux.
Le groupe de reporters révèle comment les déchets médicaux abandonnés dans la nature par ces centres de santé sont à l’origine des infections et des meurtres; pendant ce temps, des hôpitaux de district et des mairies ne disposant pas d’équipements d’incinération appropriés en profitent pour extorquer des millions de FCFA aux centres de santé privés souhaitant se débarrasser de leurs déchets. Ce travail est l’aboutissement de plus de soixante jours de descentes sur le terrain, une quinzaine de réunions de mise au point, plus de deux cents enregistrements et environ deux cent-cinquante photographies prises. Avec, à la clé, plus de deux cent soixante adresses, numéros de téléphones et e-mails confondus. (Enquêtes à lire aussi dans le quotidien Le JOUR, un journal camerounais, édition du 26 Nov.2020).
Dans le même temps, Crispin Dembassa Kette, un journaliste centrafricain est tombé sur les réseaux de vente parallèle de médicaments par le personnel du plus grand centre hospitalier de son pays, l’hôpital communautaire de Bangui. Son récit révèle comment des sommes importantes d’argent échappant depuis plusieurs années au contrôle de l’Etat finissent dans les poches des blouses blanches sans scrupule.
De l’autre côté du fleuve Oubangui, Gael Mpoyo, journaliste en République démocratique du Congo, a suivi les traces des médicaments d’une valeur de 45.000 dollars américains détournés en 30 jours au sud-Kivu. Au bout de la piste, Gael constate, preuves à l’appui, que la division de la santé est impliquée dans ce scandale.
Ces journalistes du Cameroun, de la RDC et de la RCA faisaient partie du projet #FRAUDE MEDICALE, une enquête sur la corruption dans le secteur de la santé lancé en début d’année à l’initiative de Museba journalism Project, en collaboration avec Will Fitzgibbon, coordinateur Afrique au Consortium International des Journalistes d’investigation. Ils ont été formés sur les techniques d’investigation dans le domaine de la santé.
WILL Fitzgibbon, Coordinateur Afrique/Moyen Orient au Consortium International des Journalistes d’Investigation
« The Museba Project est une initiative très importante pour l’Afrique et pour le journalisme d’investigation tout court. Il s’agit de la première tentative organisée, sérieuse et dans les mains des journalistes de la sous-région, de faire améliorer le journalisme d’investigation en Afrique Centrale et d’aider la formation des journalistes de cette région peu présente jusques là. La RDC, la RCA, le Cameroun: tous ces pays sont victimes d’abus, de flux illicites financiers, de dictateurs et de bandits, comme nos pays sont tous. Mais, jusqu’à The Museba Projet, la région manquait d’organisme pour coordonner le journalisme qui pourrait jeter de la lumière sur des activités néfastes »
« A mon avis, c’est une réussite qui sera gravée dans l’histoire du journalisme d’investigation en Afrique centrale ».